French flair (& food), menu du 10 juillet 2023
Les 2 (3, 4, 5…) Magots
Les 2 Magots, café emblématique de Saint Germain des Prés avec le Café de Flore, se lance dans la licence et voit les choses en grand.
Ouvert en 1884, le Café après avoir régalé pendant quasiment 140 ans les habitués, les touristes et les curieux dans son lieu d’origine, passe la vitesse supérieure (voire la vitesse lumière) pour son déploiement à l’international.
Avec sa nouvelle signature « L’Art de vivre Paris », la désormais marque a ouvert un premier établissement sous licence en mai à Riyad et en prévoit un autre à Sao Paolo.
Jacques Vergnaud, le directeur de la marque, ne cache pas ses ambitions :
« Nous comptons être dans une douzaine, voire une quinzaine de grandes villes à travers le monde, avec un flagship par pays pour préserver la dimension d'exclusivité. Mais aucun établissement ne sera identique à l'autre. Il ne s'agit pas de devenir une chaîne, mais de s'adapter à l'architecture locale ».
Pour envisager ce déploiement, il a fallu identifier les marqueurs incontournables du Café qui permettent de vivre l’expérience Les 2 Magots désormais où que l’on soit dans le monde (les statues, les tonalités, les plats signatures, etc …).
Une ligne de produits dérivés est aussi en cours de création.
On voit encore ici combien l’Art de Vivre à la française représente un vrai potentiel business à l’international et comment chaque marque essaie d’avoir sa part du gâteau (ou sa miette du croissant).
NFT décodés
Pour cette dernière lettre avant la pause estivale, un sujet qui peut sembler plus aride que sapide, j’ai nommé les NFT !
Ne partez pas (sauf en vacances), nous allons y aller piano sano pour comprendre comment les NFT vont sans doute modifier en profondeur l’écosystème de la gastronomie/art de vivre.
Si le phénomène peut vous sembler, dit de manière diplomatiquement correcte, encore un peu capillotracté (ou un gros délire de geek si on parle plus franchement), reprojetez-vous quelques années en arrière lorsqu’on parlait alors d’un outil encore émergent qu’était le Word Wide Web. L’idée de se servir d’un site internet dans votre vie quotidienne vous semblait à des années lumières. 2 décennies plus tard, c’est l’idée même de ne pas se servir d’un site qui vous semble complètement improbable.
Bloc 1 : la genèse des NFT
Tout d’abord, c’est quoi un NFT ? Un NFT est un Non Fongible Token, c’est-à-dire, un certificat de propriété numérique qui atteste à la fois de l’identité de l’auteur numérique ainsi que de celle de son propriétaire (je vous laisse 30 secondes de respiration). Les NFT s’appuient sur la cryptographie et la blockchain qui garantissent la sécurité et la transparence des transactions. Sans rentrer dans tout le détail de la technologie, car ce n’est pas le but ici, il s’agit simplement de comprendre son utilité principale : un NFT est absolument unique et infalsifiable. C’est cette unicité qui fait sa valeur et prend, comme on le verra plus tard, tout son sens dans le domaine de l’art de vivre où le montant des transactions peut vite s’élever et où l’exclusivité représente un graal à atteindre.
Initialement utilisés dans le monde de l’art pour garantir l’authenticité d’une œuvre, leur usage s’étend désormais à de nombreux domaines.
Parmi les 2 utilisations qui ont eu la plus grande amplification pour les non experts, on peut citer notamment le NFT du tout premier tweet de Jack Dorsay (le fondateur de Twitter) qui s’est vendu à environ 2,5 millions d’euros ou le NFT d’un moment de NBA (un dunk de Lee Bron James) vendu à 230 000 dollars.
Bloc 2 : le gimmick geek
Avant de rentrer dans l’utilité réelle des NFT (et pour se détendre un peu sur un sujet qui peut vite faire chauffer les neurones !), voici un aperçu de quelques marques qui ont saisi la balle (et le NFT) au bond pour en faire un coup de com’.
Dans l’agroalimentaire, Pizza Hut et Pringles ont lancé quasiment au même moment en 2021 leur opération NFT. Le premier en sortant chaque jour une part exclusive de pizza numérique vendue aux enchères (numériques elles aussi) avec un record de 8824 $ atteint pour une part, le deuxième en lançant une édition limitée de 50 paquets dorés de la saveur virtuelle « crypto-chips » vendus eux-aussi aux enchères.
Dans la restauration, une pizzeria dans le Sud-Est de la France a lancé un NFT vendu pour environ 1000 € et permettant à son « heureux » propriétaire de manger gratuitement à vie dans cette pizzeria. On peut aussi mentionner le « Flyfish Club » qui a ouvert à New-York en fin d’année dernière et qui est le premier restaurant accessible uniquement aux possesseurs d’un NFT « ticket d’entrée » avec un prix de départ de 7000 $.
A chaque fois, on se rend compte que la valeur d’un NFT repose sur le double sentiment de propriété et de rareté. Si on peut douter de l’utilité d’être l’un des rares possesseurs de la saveur « crypto-chips », il n’en est pas de même dans le secteur de l’hospitalité de luxe ou dans celui du vin.
Alors un NFT réellement ça sert à quoi ?
Pour comprendre cela, il faut changer de perspective et voir les NFT non pas comme une fin en soi mais plutôt comme un outil actionnable à différents moments du parcours et de l’expérience client.
Bloc 3 : les NFT comme outil d’optimisation des réservations
Dans le secteur de l’hôtellerie, la réservation de nuitées grâce aux NFT pourrait grandement simplifier tout le process de réservation et/ou les politiques d’échange et d’annulation. En effet, via les NFT, la réservation est inscrite sur la blockchain ce qui présente un avantage à la fois pour l’hôtelier et le client. Pour l’hôtelier tout d’abord qui n’a plus à gérer de politique d’annulation et de remboursement car le propriétaire de la réservation peut soit l’honorer soit la revendre au prix qu’il souhaite si les dates ne lui conviennent plus. L’hôtel a donc la certitude de ne pas perdre la réservation (et donc de préserver son revenu) et – cerise sur le NFT – de toucher une commission en tant qu’auteur numérique si le client revend la réservation plus chère qu’il ne l’a achetée (c’est le principe du « smart contract » que nous verrons plus en détail dans le bloc 5). Pour le client ensuite, les NFT lui permettent plus de flexibilité. En effet, il peut vendre ou échanger ses jetons s’il change d’avis sans contrainte de politique d’annulation – avantage qui prend d’autant plus de sens quand on connaît le prix d’une nuitée dans un 5 étoiles ou un palace.
Ainsi, le Ca’ di Dio, un hôtel de luxe à Venise a été le premier à proposer la réservation via NFT.
Par ailleurs, de façon plus anecdotique pour le moment, les NFT peuvent jouer un rôle dans la réservation via le metavers. En effet, les hôtels peuvent utiliser des avatars virtuels (i.e. des hôtels virtuels) pour simplifier le premier contact avec le client. Ce dernier peut en effet visiter virtuellement l’hôtel et décider ensuite ou non de réserver via les NFT.
Bloc 4 : les NFT comme outil d’approfondissement de l’expérience client
Comme l’écrit Daniel Villota dans son article « How innovative hotels are using NFTs to attract international travelers » : les NFT représentent un
« New engagement, new revenue, new possibilities » (nouvelle façon d’engager le lien avec le client, nouvelle source de revenus, nouvelles possibilités).
En effet, parler de NFT c’est d’abord et avant tout parler d’une communauté (dont vous et moi ne faisons sans doute pas encore partie mais ça ne saurait tarder !). En effet, le but n’est pas uniquement de posséder des NFT mais de faire partie d’un groupe et de les partager. Tout l’enjeu pour l’hospitalité de luxe réside donc dans 2 sujets :
La capacité à créer des expériences suffisamment fortes via les NFT pour créer un lien fort avec les clients et ainsi les fidéliser (la fidélisation client reste le nerf de la guerre pour toutes les marques)
La capacité à sortir de la technologie virtuelle pour créer une expérience réelle et parvenir ainsi à susciter une émotion via une série de blocs sur une chaîne
Dans l’hôtellerie, on peut citer notamment 2 programmes NFT menés par des établissements renommés du secteur. Les hôtels Marriott tout d’abord qui ont été la première chaîne d’hôtels à investir cette technologie via une collection de NFT en lien avec des artistes numériques. Cette collection de 3 NFT a été lancée en grandes pompes lors de la Art Basel Miami Fair de décembre 2021. Le Bristol ensuite qui depuis avril dernier propose – via sa première série limitée de 11 NFT « Le Bristol Unlocked » - aux heureux acquéreurs d’un de ces jetons de devenir membre du programme l’H3ritage (oui ça s’écrit bien comme cela, ce n’est pas une faute de frappe!) et de bénéficier de privilèges totalement exclusifs tels qu’un plat unique signé Eric Fréchon, un accès à la piscine du 6ème étage ou une journée dans le vignoble avec le chef sommelier de l’hôtel.
NFT – communauté – rareté : la sainte trinité.
Dans la restauration, les NFP sont utilisés dans une démarche d’exclusivité.
On peut ainsi mentionner le lancement cette année de la collection de NFT d’un établissement étoilé Michelin et classé 10ème au World 50 Best : le restaurant Table par Bruno Verjus. Ces NFT qui se veulent une expérience sensorielle proposent, entre autres, le dévoilement d’une recette exclusive, l’accès à une masterclass ou un repas suivi d’une rencontre avec le Chef en personne. Le NFT est ici le garant de l’unicité de l’expérience.
Bloc 5 : les NFT comme outil de traçabilité pour les grands crus.
Une fois n’est pas coutume, c’est le domaine viticole qui est en avance sur celui de l’hospitalité et qui a déjà le plus investi dans la technologie des NFT. En effet, tous les experts s’accordent à dire que les NFT ne représentent pas simplement une manière purement symbolique d’augmenter le prix déjà élevé d’un grand cru. Ils voient cette technologie comme un changement durable de la filière viticole à horizon 2030.
5 leviers majeurs, intrinsèquement liés à la technologie NFT/blockchain se distinguent
Garantie de la valeur des grands crus : à chaque étape de vente ou revente, l’acheteur pourra être sûr que le vin a été conservé dans les meilleures conditions et qu’il a donc gardé toute sa valeur (et son goût !)
Lutte contre la contrefaçon : c’est ici le caractère infalsifiable des NFT qui joue tout son rôle. Il garantit à tout acheteur l’authenticité du vin qu’il achète. A l’heure où le vin devient un objet spéculatif, on observe de plus en plus de contrefaçons (je vous invite à regarder le film Sour Grapes). Il est donc indispensable, comme pour les sacs à main ou les montres de luxe, de garantir l’authenticité du vin
Spéculation plus « équitable » : toujours grâce à la blockchain, à chaque revente, le producteur pourra percevoir un pourcentage de la plus-value. Il s’agit ici du principe du smart contract déjà évoqué plus haut qui garantit que le profit est réparti entre tous les maillons de la (block)chain et ne bénéficie pas uniquement au dernier revendeur
Création d’un lien direct entre le producteur et le consommateur (et possible désintermédiation à termes). Via la blockchain toujours qui permet de retracer tout le parcours d’une bouteille, le producteur saura qui est son client final (ce qui est rarement le cas actuellement car il ne traite qu’avec les négociants) et pourra recueillir des informations précieuses d’un point de vue business
Consommation responsable : à l’heure actuelle, les bouteilles de vin se déplacent à chaque achat/revente. Grâce aux NFT, ce sont les jetons qui peuvent s’échanger tout au long de la chaîne. Le vin ne bouge pas jusqu’au client final ce qui permet à la fois de limiter l’impact carbone du transport de bouteilles à l’échelle mondiale et à la fois de garantir une bonne conservation des bouteilles sans variation des températures ou vibrations. Le stockage étant réalisé chez le vigneron ou à proximité, cela a en revanche forcément un impact sur les capacités logistiques de ce dernier.
Des grands crus tant en Bourgogne (Château de la Tour Clos Vougeot) que dans le Bordelais (Château Pape Clément) ont pris en main le sujet et vont servir d’éclaireurs à la filière.
Que ce soit dans l’hôtellerie, la restauration ou la viticulture, on se rend bien compte que les NFT ne sont pas là pour « virtualiser » une expérience hautement sensorielle et épicurienne mais bien pour en garantir la véracité et l’exclusivité dans le monde réel.
De quoi voir le verre (et l’assiette) à moitié plein plutôt qu’à moitié vide !
(Bleu, blanc) Rouge
Pour retrouver un peu de futilité après les NFT, une dernière news très French Flair (& Food) !
Jusqu’à la fin de la semaine (13 juillet), le Plaza Athénée, hôtel situé dans l’épicentre de la haute couture française, célèbre la mode et le style à la française.
Pour l’occasion, la façade du palace sera parée de modèles grandeur nature vêtus de rouge (la couleur emblématique de l’établissement) et une exposition gratuite de 6 robes rouges dessinées exclusivement par de grands créateurs pour l’hôtel se tiendra au sein du lobby.
Le mot de la fin revient à Monsieur Dior :
“Dans nos ateliers, nous réalisons des robes, dans nos salons nous vendons de l’espoir.”
C’est tout pour aujourd’hui, rendez-vous le 28 août pour la rentrée de French Flair (& Food). En attendant je vous souhaite un très bel été avec beaucoup de petits délices et de grandes régalades !