French flair (& food), menu du 12 juin 2023
Tout nouveau tout show
Louis Vuitton vient d’ouvrir son tout premier lounge d’aéroport à Doha, le « Louis Vuitton lounge by Yannick Alléno ». Louis Vuitton + Qatar, je vous laisse imaginer la simplicité des lieux.
Ce lounge d’un tout nouveau genre réside dans la volonté de Qatar Airways de proposer une expérience des plus luxueuses et exclusives à ses clients fortunés.
Cet espace, designé par l’architecte français Jean-Michel Wilmotte, reprend tous les codes de marque haute-couture et notamment son ADN « d’invitation au voyage ».
Situé à l’étage de la boutique éponyme de la marque dans l’aéroport, il héberge un restaurant dont la carte a été pensée par le chef Yannick Alleno pour offrir aux clients business de Qatar Airways une expérience à la fois retail, F&B et culturelle.
Une étape de plus dans la diversification F&B des maisons de luxe, tendance dont nous avions déjà parlé en détail dans une précédente édition de la newsletter.
Plat de résistance
Ça c’est Palace !
Le palace, dans l’imaginaire collectif, évoque tout de suite les palais romains dont il tire d’ailleurs son nom. Et entre ses murs, une vie dorée (dans tous les sens du terme) avec le champagne coulant à flot. Bref, une sorte d’oasis réservée à une ultra élite.
Mais les palaces pour ne pas lasser sont en train d’opérer une mue ces dernières années.
Et d’abord, concrètement, c’est quoi un palace ?
C’est un label spécifique à la France, en plus de la distinction 5 étoiles, destiné à mettre en valeur l’industrie du luxe et de l’hospitalité à la française. Créé en 2010 par Atout France, ce label « Palace » doit permettre de « valoriser ses établissements sur la scène internationale vis-à-vis d’une offre concurrente de plus en plus forte. Plus globalement, il doit contribuer au rayonnement de la culture française et à l’attractivité de la destination France ».
La création de ce label a contribué à de nombreux mouvements sur la scène de l’hôtellerie de luxe parisienne avec des arrivées (Péninsula ou Shangri-La) et des rénovations de grande envergure (Ritz, Crillon ou Lutetia dernièrement). A l’heure actuelle, on compte 31 palaces en France dont 12 à Paris, ce qui fait de la capitale une des villes avec la plus forte concentration d’hôtels de luxe au monde.
Une étude de MKG consulting a estimé que 75% des clients des palaces parisiens viennent des Etats-Unis, du Japon, de Chine, du Moyen-Orient ou de Russie. On comprend donc bien que l’infrastructure était largement prête pour accueillir cette clientèle étrangère fortunée prête à dépenser des milliers dans son séjour parisien.
Mais la stratégie des palaces parisiens, tracée telle une voie royale, est en train d’évoluer pour des raisons tant conjoncturelles (le Covid a de facto limité les déplacements et les palaces se rendent compte que leur modèle économique ne peut pas reposer uniquement sur cette clientèle riche étrangère) que structurelles (notamment la conscience environnementale qui progresse chez les jeunes générations et qui fait qu’on ne prend plus l’avion uniquement pour aller s’acheter une robe chez Chanel ou prendre un café/croissant au Café de Flore).
Par ailleurs, ces étrangers fortunés, généralement tous amateurs d’un certain art de vivre à la française, apprécient durant leur séjour de côtoyer les autochtones (oui, dis comme ça cela fait un peu animal de foire !). Les riches américains ne viennent pas au Meurice pour se retrouver entre américains. Comme le précise Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme :
« Le brassage entretient l’esprit palace et évite ce qui s’est passé dans d’autres secteurs, où certains campings notamment ont souffert après être devenus 100% néerlandais ».
Cette hospitalité du luxe se rend donc compte progressivement qu’il va lui falloir adresser une nouvelle clientèle pour assurer sa rentabilité : les Parisiens.
André Devilliers, ancien directeur marketing du Mandarin Oriental Paris l’assure, « il n’y a pas d’hôtel de grand luxe sans l’adoption par le marché local ». Et cette clientèle locale a des attentes différentes de la clientèle internationale. Elle est avant tout amatrice d’une expérience et a tendance à davantage dépenser dans les services de l’hôtel comme la restauration ou le bien-être.
Pour se démarquer dans cette nouvelle stratégie, les palaces rivalisent donc d’initiatives et d’ingéniosité de jour comme de nuit.
Intérieur jour
Un des points les plus saillants de la stratégie « locale » des palaces est bien évidemment la restauration avec un acte fort : la renonciation aux étoiles pour proposer une offre plus orientée brasserie chic. Ce qui peut sembler une évidence maintenant a été une vraie révolution (de palais) quand le Crillon ou le Prince de Galles ont annoncé leur choix de ne plus proposer de restauration gastronomique – un des marqueurs-clés de l’univers palace au même titre que le spa ou le voiturier. Ce tournant majeur dans l’univers des palaces – suivi par beaucoup depuis et notamment le Lutetia depuis sa réouverture – s’explique à la fois pour des raisons économiques et des raisons culturelles.
Des raisons économiques tout d’abord car une table 3 étoiles, si elle constitue un fleuron de l’art de vivre à la française, est rarement rentable. En effet, un restaurant de ce niveau se doit de cuisiner des ingrédients nobles et donc coûteux (truffe, caviar, Saint-Pierre) et nécessite énormément de personnel (tant en salle qu’en cuisine). Des éléments qui viennent donc plomber la marge à tous les niveaux et qui ne sont guère compatibles avec des structures en recherche d’une certaine profitabilité.
Pour des raisons sociétales d’autre part résumées en 2 mots : tempo, photo. Tempo tout d’abord car le temps des déjeuners d’affaire entrée/plat/dessert et vins qui s’étiraient sur plusieurs heures n’est plus la norme. S’il reste présent pour marquer certaines occasions particulières, le déjeuner d’affaire « à l’ancienne » est devenu une exception culturelle française. La pause méridienne a pris aussi l’air du temps et on cherche désormais à manger dans un timing rapide avec un compteur calorique à peu près raisonnable même en rendez-vous business.
Photo ensuite car la restauration, pour la clientèle locale comme la clientèle étrangère, doit être instagrammable. A ce titre, un burger bodybuildé ou un avocado toast healthy ont bien plus de potentiel qu’un filet de bar et sauce au beurre blanc car ils sont très identifiables et permettent donc de valoriser l’ego de la personne qui les poste (« je mange dans un palace donc je suis ».).
Bref, adieu les étoiles, bonjour les likes.
Par ailleurs, toujours dans la section F&B de l’hôtellerie de luxe, la rentabilité vient de la multiplication des occasions de consommation. Un palace, contrairement à un restaurant classique, a la particularité d’être ouvert du matin jusqu’au soir (et même la nuit). Pourquoi dans ce cas ne séduire la clientèle locale qu’au déjeuner et au dîner quand on peut le faire dès 7 heures du matin ou jusqu’à 23 heures ?
Ces nouveaux moments de consommation, hors déjeuner et dîner, ont aussi l’avantage d’avoir un ticket d’entrée plus abordable qu’un repas entier et permettent donc à une clientèle plus large de s’offrir – pour paraphraser Andy Warhol – « 15 minutes de palace ». Pour 20€, on peut ainsi savourer un pain perdu au petit-déjeuner au Meurice ou pour 29€ un cocktail signature au Bar des Ambassadeurs du Crillon mais aussi une pâtisserie au goûter au Ritz.
Dans les autres initiatives diurnes pour attirer cette nouvelle clientèle parisienne, on peut aussi citer des séances de cinéma avec pop-corn 5* (au Plazza Athénée ou au Royal Monceau), un petit-déjeuner en tête à tête avec un Picasso au Bristol, un marché de Noël (en saison !) au George V, au Crillon un pop-up store dédié à la famille avec de jeunes marques lifestyle voire même une ligne de prêt à porter pour le Ritz.
Intérieur nuit
Par ailleurs, même si 90% de la stratégie de réinvention des palaces s’opère en journée, il faut noter aussi certaines initiatives pour inviter les parisiens à dormir à l’hôtel, toujours dans une optique de taux d’occupation des chambres et donc de rentabilité de fonctionnement. Ces initiatives sont toutefois plus rares car, soyons réalistes, les parisiens prêts dépenser a minima 300€ dans une chambre d’hôtel à Paris alors qu’ils ont leur propre logement sur place sont un segment réduit de la clientèle.
Le Royal Monceau a ainsi proposé une « Nuit des Parisiens » dans une période traditionnellement creuse pour l’établissement. Sur présentation d’un justificatif de domicile, les clients pouvaient ainsi bénéficier pour 500€ d’un « full package » avec nuit en chambre double, petit-déjeuner, accès au spa et séance de cinéma privée avec popcorn signé Pierre Hermé.
Une autre tendance venue tout droit des Etats-Unis, le staycation, permet aussi aux Parisiens d’avoir le plaisir de l’expérience palace la nuit. Ce mot valise (stay+vacation) consiste à profiter de sa ville comme un touriste pourrait le faire et notamment … en dormant à l’hôtel. L’hôtel ne devient alors plus un point d’hébergement mais une destination en soi. Un site dédié a même été créé pour s’adresser à cette nouvelle clientèle locale. Comme le précise Kevin Hutchings, co-fondateur du site :
"On a misé sur du plutôt haut de gamme [5* et palaces] car les clients sont d'autant plus exigeants qu'ils habitent là. L'hôtel doit avoir une aspérité, être inspirant, en plus d'être confortable et d'avoir une super équipe".
Le mot de la fin, qui illustre bien la puissance symbolique des palaces parisiens, revient à un des illustres clients du Ritz, Ernest Hemingway :
« « Lorsque je rêve de l’au-delà, du paradis, je me trouve toujours transplanté au Ritz, à Paris. ».
L’air du temps (et du climat)
Ruinart vient d’annoncer le lancement de Ruinart Blanc Singulier, une cuvée qui témoigne des changements climatiques sur le vignoble année après année.
La Maison de champagne s’est positionnée depuis longtemps sur le développement durable et la nécessaire évolution de ses produits.
Elle avait en effet été la première marque à proposer en 2020 – après plus de 3 ans de recherche et de développement – un packaging totalement novateur et beaucoup plus écoresponsable : une housse seconde peau 100% recyclable et avec une empreinte carbone réduite de 60%.
Après le contenant, le contenu. Cette cuvée « Ruinart Blanc Singulier » a la particularité d’être conçue avec 80% de cépages d’une année précise et seulement 20% de vins d’une réserve perpétuelle qui sert de base. Cette spécificité d’assemblage lui permet donc d’être vraiment un instantané d’une année viticole et de voir ainsi l’évolution du climat au fil des années sur le vignoble champenois.
L’Edition 18 est la première de cette nouvelle cuvée. Elle reflète les spécificités de l’année 2018, à savoir une saison particulièrement chaude avec un mûrissement précoce des fruits qui tirent plutôt sur des notes de fruits blancs et jaunes.
On peut donc dire que les dégustations verticales de cette cuvée seront presque l’équivalent festif d’une carotte en géologie.