French flair (& food), menu du 25 mars 2024
Family business
C’est désormais acté, le business de l’hospitalité (pourtant loin d’être le plus rentable) est devenu la danseuse de tous les acteurs majeurs de la sphère mode et cosmétique.
Nouvelle venue dans le jeu, la famille Courtin-Clarins vient d’annoncer, via sa société d’investissement Famille C Participations, un rapprochement (à hauteur de 139 millions d’euros quand même) avec la chaîne hôtelière Evok, qui possède notamment à Paris les hôtels Brach, Nolinski ou encore le restaurant Palais Royal.
L’objectif ? Proposer dans chaque hôtel des expériences plus complètes orientées autour du « bien-être ».
Le 19ème siècle a été industriel, le 20ème celui de la consommation de masse, le 21ème siècle sera holistique ou ne sera pas !
Yes we can !
Petite devinette façon Questions pour Un Champion pour commencer.
« Produite à 6 milliards d’exemplaires chaque année en France, je suis cylindrique et composée d’aluminium. Longtemps boudée et perçue comme bas de gamme, je connais un vrai retour en grâce depuis quelques années. Je suis ? Je suis ? …. La canette ! »
Souvent critiquée (à tort) pour le goût métallique qu’elle pouvait donner aux boissons, la canette représentait d’une certaine façon le symbole d’un américanisme que l’on aime critiquer : celui des sodas et des bières bas de gamme.
Cependant, depuis quelques années, les perceptions des consommateurs changent : la canette gagne de manière constante des parts de marché (+2,8% en volume en 2023) et désormais près d’une boisson sur quatre est commercialisée en canette.
Petite histoire de la canette
Avant de s’intéresser aux raisons et aux impacts d’un tel revirement de situation, il est intéressant de balayer (rapidement) les grandes étapes de la canette qui remonte-, accrochez-vous, vous n’êtes pas prêt- à … Napoléon.
En 1795, pour lutter contre le scorbut qui décimait les troupes, Napoléon lance un concours pour trouver un procédé qui permette de conserver les aliments sains pour les armées
En 1809, Nicolas Appert répond à cette demande en inventant l’appertisation, à savoir un procédé de stérilisation par la chaleur. Il est donc l’inventeur de la conserve qui, à l’époque, était réalisée dans des bocaux en verre. Plutôt que de déposer un brevet, il choisit un prix du gouvernement et rend public le procédé qu’il a inventé en publiant en 1810 L'art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales ou végétales
La même année, un Anglais reprend sa technique, la transpose à une boîte de conserve métallique et dépose un brevet
Grand bond en avant pour arriver dans les années 1930, date à laquelle la technique de la conserve aluminium est appliquée aux boissons : à la bière d’abord (1935) puis aux sodas. Il fallait alors un outil spécifique type « ouvre-boîte » et une technique bien particulière pour ouvrir les canettes et créer ainsi deux trous : un pour boire et un pour provoquer une arrivée d’air.
1958 : Ermal Fraze, un Américain, invente la languette qui permet à la fois d’ouvrir la canette et de boire. En même temps qu’elle a gagné en praticité, la canette a bien évidemment gagné en popularité
On l’a bien compris, la canette a d’abord été « populaire » au sens propre du terme, elle l’est désormais aussi au sens figuré. En bref, elle a la cote et notamment car elle répond à trois attentes fortes des consommateurs actuels.
On se lève tous pour canette
Sans revenir pour la nème fois sur le sujet, le Covid a vraiment été un accélérateur sociétal : à la fois en accroissant la vitesse d’adoption de tendances émergentes et en marquant une rupture définitive avec un mode de vie d’un autre siècle. Cela a aussi été le cas pour la canette qui s’est trouvée au point de convergence de trois attentes fortes, à savoir : consommation ambulatoire, individualisation des consommations et conscience environnementale.
Consommation ambulatoire tout d’abord car on le sait, le sacro-saint repas assis, ensemble, à table, tend à disparaitre. Il y a bien évidemment des pays plus résistants que d’autres (et notamment la France) mais la tendance est bien là et particulièrement sur les temps du déjeuner et du petit-déjeuner. L’accélération des rythmes et la recherche continue d’efficacité font qu’on profite de la pause déjeuner pour faire du sport ou des courses (voire on la saute et on grignote devant son ordinateur). Le matin on essaie de gratter quelques minutes de sommeil en plus (après en avoir perdu beaucoup à scroller sur son téléphone la veille au soir) ou on jongle avec les allongements des temps de trajet en prenant un petit déjeuner à emporter. Bref, la consommation de deux des principaux repas est devenue nomade, on the go, ambulatoire. Et pour ce type de consommation, la canette a des avantages très clairs par rapport à la bouteille : elle est ultra-légère, incassable et facile à rafraichir.
Individualisation des consommations ensuite. Clairement là où le Covid a eu le plus d’impact. Avant, le repas était une affaire de consensus et de partage : on mangeait ensemble et la même chose. Désormais, dans la lignée des fast-food ou des food-courts, on mange toujours ensemble mais plus forcément la même chose, et chacun peut exprimer son individualité à travers ses choix alimentaires. La commensalité demeure mais cohabite désormais de plus en plus avec l’individualité de la consommation alimentaire. Il en va de même pour les boissons : auparavant, on prenait une grande bouteille à partager d’eau, de vin, de soda aussi bien pour un repas que pour faire un pique-nique ou un apéritif, maintenant chacun assume socialement d’avoir des envies ou des goûts différents des autres convives et plutôt que de passer du temps à chercher un consensus, chacun prend la boisson qui lui plait. La canette avec son format standard 33cl, une portion individuelle, correspond pleinement à cette tendance.
Conscience environnementale ensuite, car la canette présente beaucoup d’atouts écologiques : moins consommatrice d’énergie que le verre lors de la production, recyclable à l’infini (les trois quarts de l’aluminium produit depuis l’invention de la canette sont toujours en circulation), légère (grâce à des épaisseurs plus fines d’aluminium, le poids d’une canette a été réduit d’un tiers environ depuis les années 80) et empilable pour réduire les émissions de Co2 liées au transport. Le verre et le plastique peuvent aller se rhabiller et, surtout, le consommateur réconcilie ainsi sa conscience avec ses pratiques de consommation.
Nouveaux usages
La canette ayant la cote, elle devient le contenant évident pour toutes les « nouvelles boissons » qui veulent justement s’ancrer dans ces codes de consommation contemporains. Avec, pour les marques, un avantage non négligeable par rapport à la bouteille, sa surface d’impression à 360°. Celle-ci permet en effet d’avoir un large territoire d’expression pour instaurer l’identité de marque, expliquer la valeur ajoutée du produit et rentrer en connexion avec le consommateur.
Si, au début, la canette se limitait uniquement aux sodas et aux bières de grande consommation, elle a désormais profité d’un upgrade en “all inclusive” avec aussi bien des boissons bio aux fruits, des kéfirs, du thé ou du café glacé, des infusions au CBD, le cultissime Cacolac ou, plus récemment les eaux telles que Cristalline.
De manière plus anecdotique, la marque Gaku (on peut toujours compter sur les Japonais pour faire du kawai sur les dernières tendances!) a lancé des desserts conditionnés en canette avec un packaging très alléchant pour une plus grande facilité de transport et de dégustation.
Cependant, la canette s’est surtout imposée grâce à deux catégories en constante progression : les energy drinks et les RTD (ready-to-drink), à savoir les cocktails prêts à boire, qui, après une hausse de 171% en 2020, affichent encore un taux de croissance annuel prévisionnel autour de 13,4% jusqu’à 2030.
Si le contenu s’est diversifié, le contenant n’est pas en reste. En effet, depuis quelques temps, apparaissent dans les rayons des “slims cans”, à savoir des canettes plus élancées et moins larges voire même des “skinny cans” au format 25 cl. Pourquoi ? Pour permettre aux marques à la fois de passer un message subliminal (canette plus élancée rime inconsciemment dans l’esprit des gens avec boisson plus healthy) et pour détacher la canette de ses codes populaires habituels en lui apportant un positionnement plus sophistiqué (qui passe par le design et donc la forme).
Et le vin ?
Parler du vin en canette en France à l’heure actuelle, c’est comme mentionner l’affaire Dreyfus jadis : il y a les pour, il y a les contre mais cela laisse rarement indifférent.
Pour essayer de faire simple - et sans m’attirer les foudres d’aucune des parties -, la canette présente certes des avantages mais aussi des inconvénients (réponse de Normand 😊).
Au rayon des avantages, on peut mentionner qu’elle bloque 100% des UV (contrairement au verre) et que, grâce à son format moderne, (consommation à la fois individualisée et ambulatoire que nous avons évoquée plus haut), elle séduit une cible plus jeune. Point non négligeable pour la filière quand on connait la baisse continue de la consommation de vin à l’échelle mondiale et le désintérêt des populations plus jeunes pour le vin au profit des cocktails, des autres alcools ou même du sans alcool.
Au rayon des contre, au-delà de la très forte barrière psychologique liée à ce contenant, le principal inconvénient est que la canette, par son caractère totalement hermétique, ne permet pas le vieillissement du vin comme peut le faire une bouteille en verre munie d’un bouchon en liège. La canette est donc plutôt appropriée aux vins destinés à être bus dans les deux ans qu’aux grands crus amenés à vieillir.
Qu’on soit pour ou contre le vin conditionné en canette, il faut reconnaitre néanmoins qu’il est une réalité grandissante du monde viticole, dont le marché est estimé à plus de 725 millions de dollars d’ici 2030. Les pays historiques du vin ont – forcément – une adoption plus lente du format mais il est déjà fortement développé (et admis socialement) dans les pays anglo-saxons et nordiques dont la culture œnologique est plus nouvelle.
En France, dans cette dynamique, la marque Canetta coche toutes les cases de la tendance : des vins vivants, une esthétique travaillée dans un style rétro-seventies et un discours marketing reprenant les codes de la consommation ambulatoire et individualisée : « Une Canetta = un verre et demi. Idéal pour partir en goguette, pique-niquer, se poser à l’heure du coucher de soleil ou accompagner vos repas sur le pouce! »
Enfin, signe que la canette est devenue un élément socialement valorisé et quasi-statutaire au même titre que le téléphone ou les lunettes de soleil, sachez qu’il existe désormais un accessoire spécifique pour emporter sa canette, non pas discrètement cachée dans un sac ou un lunch-bag mais fièrement affichée : le kooz beverage holder. Composé d’un support cylindrique et d’une chaînette, tous les deux déclinés dans de multiples imprimés et coloris, il permet de '“ keep your bevvies close and cool” (NDT: garder ses petites boissons préférées toujours à portée de main d’une manière cool).
Après les listes d’attente pour les it-bags dans les grandes maisons de mode, bientôt des défilés avec des can-bags ?
Lu, vu, entendu
Après toute la vague de parutions commentant la cérémonie d’annonce du palmarès du Guide Michelin qui s’est tenue le 18 mars dernier, un article aborde le sujet du guide rouge sous un autre angle en étudiant comment les récompenses Michelin ont un impact sur les restaurateurs et peuvent conduire « à des actions compensatoires et à des tentatives de se conformer aux attentes associées à une position élevée ».
En synthèse, via l’étude de la ville de Washington (où le Guide Michelin est arrivé en 2016), 3 changements principaux ont été observés dans les menus des primés liés à ce « choc de statut » à savoir :
Longueur des descriptions des plats augmentée de 10%
Accent mis sur l’authenticité en mentionnant notamment davantage les techniques de cuisson
Et … augmentation des prix en moyenne de 5% (pas fous !)
Où l’on voit comment le “filet de bar, sauce agrumes et tombée d’épinards” vendu à 25$ devient le “Bar ikéjimé cuit au binchotan, émulsion légère aux agrumes du jardin de Mr. Smith et épinards frais de notre potager” proposé pour 35$ …