French flair (& food), menu du 30 septembre 2024
Un moment à part
Avoir un lieu d’hospitalité est quasiment devenu un must-have pour toutes les marques souhaitant élever leur expérience client. Les marques de mode (de Dior à Zara) l’ont compris depuis très longtemps et les marques d’autres secteurs, tels que la cosmétique ou l’automobile, s’y mettent progressivement. Nouveau domaine à entrer dans la danse … l’immobilier, en commençant, bien sûr, par l’immobilier de luxe.
En effet, Barnes a inauguré cet été à Mougins un lieu dédié à l’art de vivre sobrement nommé « Un moment Barnes ».
Cette agence immobilière 4.0 proposera à ses clients, en plus de ses services habituels, un restaurant équipé d’un terrain de pétanque, une librairie ainsi qu’une galerie d’art et, bien évidemment, des sessions de dégustation de vins, des coups de cœur du caviste aux grands crus dont sont friands les clients de Barnes.
L’objectif mentionné par Thibault de Saint Vincent, président de Barnes ? « Renforcer ses liens avec les clients en ayant l’occasion de créer des moments conviviaux ».
Ce n’est plus ce qu’on vend, mais bien ce que l’on fait vivre qui fait désormais la puissance d’une marque.
Holistiquement vôtre
Ça y est la rentrée est passée ; l’automne commence à pointer le bout de son nez et, avec lui, l’envie de passer en mode hygge, ce concept scandinave procurant un sentiment de bien-être lié à une atmosphère chaleureuse et au plaisir d’être ensemble. En deux mots, l’envie de sortir les plaids, les bougies, les grosses chaussettes et de passer un bon moment à papoter sur le canapé.
Si ce mode cocooning/hygge est, reconnaissons-le, très saisonnier (pendant les quelques jours de canicule cet été, ça vous aurait nettement moins tenté !), une autre approche s’installe qui, elle, ne se limite pas à un phénomène passager. Elle représente au contraire une véritable lame de fond, appelée à s'ancrer durablement dans nos habitudes et à devenir un pilier central de nos vies pour les années à venir : l’approche holistique.
Le mot « holistique », tout le monde l’a déjà entendu au moins une fois, mais personne ne sait vraiment dire de quoi il s’agit : un truc de style cours de yoga pour les uns, une approche à la Bourdieu pour les autres ou un mouvement limite sectaire pour certains. Avant d’aller plus loin, on va donc repartir à la base et quelques années en arrière. « Holistique » vient du grec « holos » qui signifie « entier ». On est bien avancé, me direz-vous.
Fondée sur cette étymologie, l’approche holistique envisage la personne dans son ensemble, à savoir son corps (le physique), sa tête (le mental), mais aussi son humeur (l’émotionnel), car tout est lié.
Pourquoi ? Alors que ça fait 30, 40, 50 ou 60 ans (rayez les mentions inutiles) qu’on vit très bien comme ça, faudrait-il désormais considérer nos vies sous un prisme holistique ? Parce que le Covid.
En effet, la pandémie a profondément transformé notre rapport à la vie, aux autres, au travail et les attentes que l’on pouvait avoir. Pendant cette période de confinement où « l’échappatoire social » n’était plus possible, beaucoup ont pris conscience de l’importance d’être bien avec soi-même. Il ne s'agit plus de "paraître bien", mais de se sentir véritablement bien. Cette période a révélé un besoin pressant de se reconnecter à soi dans un monde où tout va de plus en plus vite et où l'hyper-connexion est devenue la norme. Face aux injonctions permanentes et à la surcharge d’informations, les moments de calme, de déconnexion, de « pause » sont désormais un luxe, une expérience socialement recherchée et valorisée … devenue un marché à part entière.
On se sent mieux avec des chiffres (ou pas !)
Avant de rentrer dans le détail de cette économie holistique, deux chiffres pour vous permettre de bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une tendance éphémère comme un nième régime à la mode ou la morning routine d’une influenceuse venue de nulle part.
Preuve très claire de cette transformation profonde du secteur, la sémantique, tout comme le périmètre du marché, sont en train de changer : avant on parlait de « wellness » (concept qui prend uniquement en compte la forme physique et mentale), on parle désormais de « well being » (concept plus large qui englobe le wellness mais rajoute en plus une dimension émotionnelle et sociale).
Le marché mondial du tourisme de bien-être, qui s’élevait à 880 milliards de dollars en 2023, devrait atteindre 2 300 milliards de dollars en 2033
3 touristes européens sur 10 souhaitent vivre des expériences liées aux domaines de la santé et du bien-être lorsqu’ils voyagent, ce qui offre un nouveau dynamisme au secteur du tourisme de bien-être.
Pour poser les choses simplement : les attentes des clients en matière de bien-être sont en train de façonner l'industrie du tourisme et de l’hospitalité en deux catégories. La première regroupe les voyageurs pour qui le bien-être est l’objectif principal du déplacement (« vaut le voyage » comme dirait le Michelin pour un restaurant 3*). La seconde catégorie concerne, celles et ceux qui, tout en ayant d'autres buts de voyage (business, tourisme, vacances), accordent une importance croissante au bien-être et privilégient des établissements proposant des activités de bien-être intégrées à leur séjour.
Catégorie 1 : approche holistique pure et cure
On parle ici des clients qui voyagent d’abord et avant tout pour une raison de bien-être. C’est dans cette catégorie que l’on trouve le thermalisme ou les retraites spécifiques sur une thématique (yoga, jeûne, méditation), bref des éléments que l’on associe soit aux retraités se baladant dans des couloirs en peignoir, soit à des pratiquants gentiment fous.
Mais le secteur vit une vraie (r)évolution.
En effet, si le thermalisme souffre d’une image vieillissante, il représente toutefois un des grands savoir-faire français (et une part importante des revenus du tourisme). Pour rajeunir l’image des cures, garder la compétitivité française sur le domaine et s’adapter aux attentes de cette nouvelle clientèle, plus jeune et en recherche de bien-être, un plan national « Destinations thermales » a été lancé en 2022 pour faire évoluer la filière. Il contribuera notamment à la rénovation de trois thermes de la ville de Vichy à hauteur de 37 millions d’euros ou à une campagne publicitaire réalisée avec Atout France sur le thème « Villes d’eaux, villes de bien-être ». Dans cette dynamique de conquête d’une nouvelle cible, on peut aussi citer le Grand Hôtel Thalasso & Spa de Saint Jean de Luz qui vient de lancer une cure spéciale “homme” au nom clairement destiné à une cible millenial : « Svelte et tonic au masculin ».
D’autres pays cherchent aussi à avoir leur part du gâteau du business important que représente le thermalisme. Ainsi le Costa Rica développe depuis 2017 son image de marque autour du bien-être via le programme « Wellness Pura Vida » (décliné de son fameux slogan « Pura Vida ») qui vise à mettre en place des activités touristiques de bien-être notamment par la construction d’infrastructures dédiées et la mise en valeur des ressources naturelles. Plus récemment, la Grèce a, elle aussi, décidé de se positionner sur ce créneau. En effet, en septembre 2023, le ministre grec du tourisme, Vassilis Kikilias a déclaré que le développement du tourisme thermal, qui attirera de nouveaux et nombreux visiteurs, contribuera ainsi à la création de valeur ajoutée au PIB. La création d’une société dédiée « Thermal Springs of Greece SA » aura pour mission de coordonner ce développement.
Dans la même veine, les retraites sur une thématique dédiée (yoga, jeûne, médiation, mindfulness journey) gagnent du terrain, se démocratisent dans les sphères CSP+ et surtout se boboïsent (finis les séjours roots, les retraites sont maintenant dans des endroits ultra-instagrammables avec, en plus, un chef de cuisine dédié et, pourquoi pas, des goodies d’une marque de cosmétique tendance). Pour faire simple, si à 40 ans tu n’as pas fait ta retraite jeûne, pilates ou Touch of Soul, tu as raté ta vie.
Pour finir le panorama global - sans être exhaustif - de cette première catégorie, il convient de mentionner deux autres pratiques, malheureusement très révélatrices des maux de nos sociétés contemporaines :
Le « sleep tourism » qui met le sommeil au centre du voyage pour s’extraire du stress de la vie quotidienne et de la dégradation globale de la qualité du sommeil. En gros ? On paie (cher) pour aller se coucher. Les établissements de cette catégorie promeuvent le confort des matelas, les lumières spécialement étudiées pour favoriser la détente ou des cours de technique de relaxation. Pour illustrer ce phénomène, on peut citer notamment l’hôtel Malibu Beach Inn qui met en avant ses lits intelligents pour un sommeil de qualité, l’hôtel Beau Rivage à Genève qui commence à faire la promotion de la qualité du sommeil qu’il offre à ses clients ou la popularité croissante de l’App « Sleepgotchi » qui joue clairement sur la nostalgie des millenials pour les tamagotchi en les récompensant lorsqu’ils ont eu un sommeil réparateur.
Le tourisme de la guérison qui connait une croissance très soutenue depuis la fin de la pandémie. Il inclut le tourisme médical (pour des soins ou traitements adaptés hors de son pays de résidence) ou le tourisme de santé (plus en amont, sur les soins préventifs). Peu présent en France où, il faut le reconnaitre, la couverture de soins est malgré tout très bonne, il représente quand même quasiment 14 millions de voyageurs en 2023 et a un impact clair sur les infrastructures touristiques et l’économie de certains pays dont notamment les Emirats ou l’Inde (qui valorise pour ce faire son patrimoine ayurvédique).
Comme mentionné plus haut, cette dimension holistique de plus en plus présente, impacte aussi fortement l’hôtellerie « classique ».
Néanmoins, pour ne pas faire une newsletter de 18 pages et vous provoquer une entorse du pouce à force de scroller, il faudra patienter jusqu’à la prochaine newsletter pour comprendre tous les enjeux et les impacts sur l’hôtellerie traditionnelle. La suite au prochain numéro !
Lu, vu, entendu
A l’heure de la rentrée littéraire, petite sélection très personnelle de 3 livres autour de l’univers de la cuisine et de l’art de vivre.
Comfort de Yotam Ottolenghi, aux éditions Hachette. Parce que passion Ottolenghi. Il écrirait un livre sur les huiles de moteur que je l’achèterais quand même (mais je ne le rangerais pas, rassurez-vous, dans la bibliothèque des livres de cuisine). En revanche, aucune nouvelle de l’ouverture parisienne annoncée pour 2024 lors de toute la campagne de promotion du livre. Bref, sans doute plus pour 2025
Taste, le goût de la vie de Stanley Tucci, aux éditions Hachette toujours. Après avoir aimé son personnage pince-sans-rire dans Le Diable s’habille en Prada, j’ai surtout découvert le formidable gourmet qu’il est, à la fois très érudit et plein d’humour. Et Ottolenghi l’adore, la boucle est bouclée
Les grands hôtels à l’épreuve du temps (19-21ème siècle) de Jean El Gammal, aux Editions de l’Université de Lorraine. Sans doute un peu moins accessible que les deux précédents mais très instructif dans un secteur en pleine mutation, pour comprendre les évolutions à venir au regard des mutations passées et des représentations culturelles.