French flair (& food), menu du 2 juin 2025
Mots à croquer
Chaque année, de nouveaux mots font leur entrée dans le dictionnaire, témoignant à la fois que le français est une langue bien vivante mais aussi des évolutions de la société au fil des années.
Pour 2026, le Larousse vient d’annoncer l’ajout de 150 nouveaux mots (tout ça de plus à apprendre en dictée pour les écoliers !) avec, forcément, parmi ces nouveaux arrivants, des mots révélant l’évolution de nos habitudes alimentaires.
L’année prochaine, sachez que vous pourrez donc trouver dans le Larousse les mots skyr, nachos, food truck, banh bao, onigiri et umami montrant à la fois
L’internationalisation de nos assiettes
La dimension ambulatoire de plus en plus présente
Une attention accrue à la santé et au goût (je ne parle pas des nachos ici !)
De quoi rendre la langue française encore plus savoureuse.
Make a butter world
Je vous l’annonce tout de suite, dans ce numéro, vous n’êtes pas venus pour beurrer les sandwichs.
Parce qu’en 2025, le beurre ne se tartine plus. Il se déguste, s’admire, se stylise et revient clairement sur le devant de la scène après des années de dis-gras-ses (le jeu de mots était trop tentant).
Mais avant d’explorer les nombreuses manières dont le beurre se décline aujourd’hui, prenons d’abord un moment pour revenir sur son évolution dans nos habitudes de consommation et l’imaginaire qui l’entoure.
De burro non grata à diva
Clairement, la deuxième partie du 20ème siècle représente des années de vaches maigres pour le beurre. Dès les années 50, quelques études commencent à suggérer que le beurre, riche en acides gras saturés, augmenterait le cholestérol et, donc, les maladies cardiaques. Les décennies 60 à 90 ne font qu’amplifier le phénomène. La margarine règne en maître dans les rayons des supermarchés et tous les régimes à la mode diabolisent le gras. Pour vous donner un chiffre révélateur de ces années-là : la consommation de beurre aux Etats-Unis a baissé de quasiment 30% entre 1950 et 1966 (source CREDOC).
A partir des années 2000, les cartes du jeu sont rebattues : la réhabilitation du beurre dans les études nutritionnelles, un regain d’intérêt pour les produits non ou peu transformés, la hausse de la demande asiatique et l’explosion de la pâtisserie/viennoiserie française dans le monde remettent le beurre sous le feu des projecteurs. A tel point que la FAO prévoit une augmentation de 19% de la consommation de beurre à l’horizon 2026 et que Bill Gates, dont le flair sur le potentiel business des produits peut être considéré comme assez sûr, vient d’investir dans la start-up californienne Savor qui développe un beurre innovant fabriqué à partir de carbone, d’hydrogène et parfois de méthane et qui possède – a priori – exactement le même goût que le beurre laitier.
Mais si le beurre est à ce point présent en ce moment dans les différents volets de nos quotidiens (comme nous le verrons en deuxième partie), c’est que le beurre rassure. Dans un monde de plus en plus rapide et numérique, le beurre évoque la nostalgie, la gourmandise, la rondeur et attire par les émotions qu’il éveille. Last but not least, le beurre, un peu comme une pâte à modeler pour adultes, peut prendre de multiples formes – de quoi le rendre ultra instagrammable.
Spread butter (and the love)
Le beurre a toujours été un accompagnement (radis/beurre, tartine) ou un ingrédient (pour rôtir une viande, faire un gâteau), bref le beurre avait clairement le second rôle, la seule folie qu’il s’octroyait était d’être, parfois, salé.
A domicile, le beurre étend désormais tout son potentiel (et booste sa consommation) par 3 canaux principaux de développement :
Le sourcing : avant on achetait « du beurre », montrant bien le peu de considération qu’on lui accordait. Maintenant qu’on le déguste comme un petit plaisir du quotidien, et dans cette tendance plus large de valorisation des produits artisanaux, on s’intéresse davantage à sa provenance, à son terroir et à son profil aromatique, avec un vocabulaire autrefois réservé aux sommeliers. En France, on peut bien évidemment citer le Beurre de Madame, produit à partir du lait de vaches Froment du Léon et reconnaissable à sa couleur jaune dorée. Aux Etats-Unis, le beurre fermenté, tel qu’on le produit en France, est déjà une singularité par rapport au beurre produit localement à base de crème pasteurisée (et donc moins marqué gustativement). Outre-Atlantique, les fromageries se vantent fièrement de proposer du beurre français de baratte — comme celui de la fromagerie Réo en Normandie — que les clients s’arrachent avec un certain snobisme
L’aromatisation : la tendance qui contribue le plus à la croissance de la catégorie beurre dans son ensemble. En effet, ces beurres aromatisés permettent d’upgrader significativement les repas sans rajouter aucune complexité ni aucun temps à la préparation – un avantage hautement concurrentiel dans le délicat équilibre actuel entre rapide et bon. Le pionnier dans ce registre est bien évidemment « l’artisan beurrier » Bordier, avec ses beurres au yuzu, au sarrasin, à la vanille ou à la framboise entre autres. De plus en plus de marques se positionnent sur le segment, transformant le beurre aromatisé de produit de luxe à produit de consommation courante (et rentrant donc dans les usages culinaires). Trader Joe’s commercialise ainsi en marque propre un beurre parmesan, ail et fines herbes, Walmart propose, lui, un beurre au « lemon pepper » (mélange de zestes de citron et poivre noir concassé), la marque emblématique de sauce pour steak A.1. propose une déclinaison de sa sauce secrète sous forme de beurre aromatisé. La marque Churn s’est lancée sur le segment avec une approche très moderne, tant dans le ton que dans le packaging. Et cette tendance de l’aromatisation se décline aussi sur le sucré avec des beurres à la cannelle ou au sirop d’érable
Le format : oubliez la plaquette, passez à la planche. En effet – toujours dans cette dynamique de retour sur le devant de la scène, le beurre n’est plus servi dans un petit pot à côté ou sur une planche de charcuterie ou de fromage. Non, on sert désormais – et on amène fièrement à table - une planche entière de beurre (oui oui, vous avez bien lu). Concrètement ? Vous laissez le beurre se ramollir, vous le tartinez entièrement sur une planche et vous l’agrémentez ensuite de toppings – salés ou sucrés – comme vous pourriez le faire aussi pour une glace (épices, sel, graines, coulis, fruits secs, etc.) pour en faire un tableau digne des impressionnistes comme vous pouvez le voir ici ou ici. Même les restaurants qui proposaient traditionnellement des planches de fromages ou de charcuteries se mettent aussi à offrir des planches de beurre.
Dans les restaurants gastronomiques et les bistrots, le beurre devient, aussi, désormais une signature culinaire du lieu à part entière et contribue encore plus à l’expérience en salle. Si beaucoup de chefs proposent leur beurre aromatisé maison en lien avec leur cuisine (beurre au thé matcha par exemple pour Anne-Sophie Pic ou beurre aux poivres des mondes chez Roellinger), un autre cérémonial du beurre se développe de plus en plus : une sculpturale motte de beurre trône en salle tel le tableau « Motte de beurre » d’Antoine Vollon et dont les serveurs iront ensuite prélever des quenelles pour les clients. On peut notamment citer la Chef Clare de Boer (Restaurant Stissing House à New-York) qui a placé une gigantesque motte de beurre au centre de la salle et explique que :
« People eat with their eyes, and it’s the first thing you see when you enter the dining room. » (les gens mangent avec leurs yeux et c’est la première chose qu’ils voient quand ils rentrent dans la salle)
ou le restaurant Emeril’s (Nouvelle Orléans), où la scénographie du cérémonial du beurre amorce le repas : les serveurs amènent une motte de beurre sur un chariot devant les convives, en prélèvent de voluptueuses quenelles qu’ils placent sur une assiette, accompagnées de baguette fraîche et de cornbread maison.
Enfin, autre cérémonial de beurre qu’il convient de mentionner : celui du Chef Thomas Keller au Surf Club Restaurant (Miami). Ici, un serveur apporte un petit socle métallique percé de cinq trous au centre de la table (spécialement conçu par le designer Martin Kastner). Par une pression, cinq boucles parfaites de beurre surgissent simultanément de ces orifices, formant des arches dans un style très Art Déco.
Beurre en all-over
Jusqu’ici, on a beaucoup parlé de beurre mais nous sommes restés dans la sphère attendue pour lui – à savoir la food. Mais être une tendance uniquement food c’est so 2010. Maintenant on est une tendance lifestyle globale ou on ne l’est pas. Et en matière de tendance lifestyle, le beurre coche beaucoup de cases.
En cosmétique, la « butter skin » est au top, la recherche de l’expression a augmenté de 300% depuis le début de l’année. Ne vous précipitez pas dans votre frigo pour vous tartiner du beurre sur tout le visage, la « butter skin », c’est en fait avoir une peau nourrie, souple, fondante comme une lichettte de beurre sur une tartine tout juste tiède. On se rend bien compte ici de l’évolution de la place du beurre dans nos représentations mentales, dans les années 80, personne en effet n’aurait voulu avoir une peau nommée « butter skin ».
En mode et en déco, le jaune beurre est LA couleur de ce début d’année. Je vous l’accorde, la teinte est plutôt risquée, en tout cas pas seyante à toutes les carnations. Mais le jaune beurre est partout, présenté comme une couleur « douce mais énergisante, qui mélange une nostalgie réconfortante à une esthétique moderne » (sic !). Depuis que Jacquemus a envoyé une invitation à un défilé sous forme d’un morceau de beurre et d’une tartine siglés, la couleur est partout, des robes longues des tapis rouges aux grandes enseignes de fast fashion. La styliste Rachel Antonoff propose même plusieurs vêtements avec un imprimé « plaquette de beurre ».
L’équipement intérieur n’est pas en reste. La marque ô combien design Kitchen Aid a fait de la couleur jaune beurre sa couleur de l’année et le beurrier – si possible élégant ou un brin rétro – fait un retour marqué dans les arts de la table.
Enfin, le beurre est tellement devenu le it-ingrédient magique qui pimpe nos vies qu’une nouvelle tendance est apparue sur TikTok (attention, je préfère vous prévenir le contenu qui va suivre peut choquer les âmes sensibles) : des parents aux Etats-Unis recommandent de donner une cuillère pleine de beurre aux bébés juste avant de les coucher pour qu’ils fassent des nuits complètes (spoiler alert : ça ne marche pas et c’est même dangereux).
Bref une tendance butter than ever !
Wellness, le nouveau match
La dimension holistique, dont on a déjà parlé ici ou là n’est plus une tendance mais bien une nouvelle composante de nos vies actuelles. Les marques d’hôtellerie de luxe ont donc tout intérêt à s’associer à des sportifs de haut-niveau pour crédibiliser et incarner leur offre wellness et prendre ainsi un avantage concurrentiel pour attirer une clientèle aisée en quête de performance, d’équilibre et de santé mentale.
Après Novak Djokovic nommé conseiller bien-être de la chaîne hôtelière Aman, c’est désormais Zinedine Zidane qui est ambassadeur du Palace Moreno en Italie. A titre d’ambassadeur, il teste et donne son avis sur les protocoles et incarne ce nouveau positionnement de l’hospitalité de luxe : santé durable voire « régénération ».
Cela fait a priori plus de 30 ans qu’il fréquente ce palace : il ne s’agit donc pas d’une simple opération opportuniste, mais bien d’un exemple révélateur de la façon dont les hôtels repensent leur communication et leur positionnement pour séduire une clientèle aisée aux attentes renouvelées.