French flair (& food), menu du 25 septembre 2023
Cool-laboration
Nous avions déjà parlé dans la toute première newsletter des liens entre mode et hospitalité dans une stratégie plus globale, lifestyle.
Nouvelle collaboration à ajouter à cette dynamique, celle entre le Bristol Paris et la marque américaine Sporty & Rich (le nom a le mérite d’être clair !), lancée dans le cadre de la fashion week parisienne.
Au « menu » ? Un vestiaire très sportswear (jogging, blouson, casquette) co-brandé des deux marques.
On retrouve dans cette ligne certains marqueurs communs à la collaboration nouée l’année passée entre le Ritz Paris et Frame.
Une collaboration entre un grand hôtel parisien et une marque de vêtements, non pas française mais américaine, pour capter une clientèle d’outre-Atlantique avec un pouvoir d’achat élevé
Un vestiaire très sportswear, loin du « chic français », pour rendre accessibles les palaces à une clientèle plus jeune
Une dimension lifestyle globale. On ne va plus à l’hôtel uniquement pour dormir (so 2010 !) mais pour vivre l’hôtel dans tous ses aspects
Pour la prochaine fashion week, à qui le (Win)tour ?
Rési-danse de chefs
C’est une tendance qui est arrivée à petits pas (les premières mentions remontent à 2012 !) mais qui a pris une nouvelle ampleur dans l’ère post-covid : les résidences de chefs.
Si les dîners à 4 mains, les pop-up événementiels ou les dîners de clubs privés avec un chef invité existent depuis longtemps, la résidence de chefs est un concept complètement différent.
Pour essayer de schématiser, les restaurants de résidence sont des restaurants comme une coquille vide. Ils offrent toute l’infrastructure d’un restaurant mais n’ont pas de chef dédié. Ce sont des lieux qui permettent, pendant un temps donné (souvent quelques mois), à un chef de se produire et d’imprimer son style en prenant la main tant sur les cuisines que sur la salle du restaurant. 3 petits tours et puis s’en vont, un autre chef vient ensuite pour donner vie au lieu avec sa propre patte.
En somme, l’équivalent de la résidence d’artistes en art, de l’incubateur pour les start-up ou du bernard l’hermite, pour faire un parallèle plus marin.
La différence avec les premiers concepts se fait principalement sur 2 points :
La durée : un pop-up ou un dîner événementiel sont des one-shot ou en tout cas des événements sur des temps très courts et limités là où les résidences de chefs ont généralement lieu sur plusieurs mois
La carte : dans un dîner pop-up, le chef va faire sa cuisine signature (c’est pour ça que les clients viennent). Dans une résidence – et particulièrement à l’étranger – le temps long va permettre au chef de « s’installer » dans le lieu, de travailler de nouveaux ingrédients, de s’adapter à la culture locale. La résidence est donc aussi un vecteur de créativité et d’émulation pour des chefs en quête de challenge.
Ce concept, comme nous le verrons plus loin, se développe dans de nombreuses grandes villes et révèle un changement de fond dans la mentalité des jeunes/futurs chefs : le nomadisme.
On sait que depuis le Covid et surtout avec l’arrivée de la fameuse Gen-Z, l’équilibre vie pro-vie perso est une aspiration majeure. Ce souhait d’un rythme de travail plus flexible, qui laisse le temps à des loisirs ou à une vie sociale touche bien évidemment aussi la nouvelle génération de chefs. Celle-ci ne veut plus se fixer trop vite et n’est plus prête à s’engager dans un travail avec un rythme de 15 heures par jour, 6j/7 (voire 7j/7). En ce sens, la résidence de chef laisse l’opportunité pour cet équilibre avec un rythme – pour faire un parallèle que les runners comprendront – de fractionné : 3 à 6 mois ultra intenses et après, une longue période de repos, de temps pour soi.
La vie de cuisinier passe ainsi de marathon à 800m haies.
Bénéfices puissance 4
Ce nouveau modèle de restauration offre bien évidemment un intérêt tant pour le chef, que pour le restaurateur ou le client.
Pour les jeunes chefs :
A l’instar des halles gourmandes dont nous parlions ici, il permet de se lancer à moindre frais et d’avoir un filet de sécurité (pas d’investissement ni de gestion administrative ou RH)
Il lui permet d’explorer de nouveaux horizons, de se confronter à de nouvelles contraintes et donc de nourrir sa créativité
Il lui permet aussi de développer son leadership et de se positionner comme un chef d’équipe et pas uniquement comme un cuisinier
Il lui sert de rampe de lancement pour se faire connaître et avoir les feed-backs des clients sur sa cuisine
Il lui offre un nouveau rythme de vie
Pour les chefs déjà installés qui prennent, en plus de leur restaurant, une résidence :
A l’instar des jeunes chefs, ce modèle lui permet d’explorer de nouveaux horizons, de se confronter à de nouvelles contraintes et donc de nourrir sa créativité
Il lui permet aussi d’élargir son audience (en national comme à l’international) et donc de sécuriser sur le long terme les taux de remplissage de son restaurant « fixe » (dont il est bien souvent propriétaire et, donc, avec besoin de faire tourner la machine)
Pour le restaurateur
Cela permet de faire vivre son lieu à la fois en fidélisant des clients (qui viennent pour le plaisir de la découverte) et en recrutant (certains vont venir la première fois pour un chef précis et reviendront ensuite pour le plaisir de l’expérience)
Cela permet de garder son lieu visible en communiquant régulièrement sur les changements de chef (on connait sinon l’effet soufflé des ouvertures très médiatisées et des restaurants qui tombent ensuite dans l’oubli – une nouveauté en chassant une autre)
Cela lui offre une nouvelle envergure car le restaurateur sort ainsi de l’ombre du chef et devient d’une certaine manière « curateur » de son restaurant en choisissant les chefs invités
Pour les clients
Les fidèles de la résidence découvrent de nouveaux chefs qui potentiellement brilleront ensuite (avec du coup le sentiment de fierté/ d’initié de « j’ai mangé sa cuisine avant tout le monde »)
Les clients épicuriens et fins gourmets peuvent goûter la cuisine d’un chef étoilé parfois lointain et dont le restaurant est pris d’assaut pour les réservations.
Jeux de cash-cash ?
Si les bénéfices sont communs à l’ensemble des résidences de chefs, le modèle économique peut, par contre, être très différent d’un établissement à un autre.
Quoi qu’il en soit, le restaurant résidence, sous son apparente « coolitude » et son caractère festif nécessite une mécanique parfaitement rôdée car il s’agit quasiment de rouvrir un restaurant complètement nouveau tous les 6 mois.
Du point de vue des opérations, il requiert une supply chain solide capable de s’adapter aux changements de style (et donc d’ingrédients) des chefs tout en garantissant une qualité continue.
Il implique aussi d’un point de vue RH d’avoir des process ultra détaillés et écrits pour que la brigade (qui reste en permanence) et les chefs (qui tournent tous les 6 mois) puissent accorder très rapidement leurs violons, car le changement de chef ne s’opère normalement que sur 2 à 3 jours.
Enfin, concernant la mécanique financière, c’est là que les divergences peuvent se produire -aussi en fonction des habitudes culturelles du marché de l’emploi -. Ainsi par exemple, certains proposent aux chefs un CDD, d’autres aucune rémunération considérant l’exposition médiatique ; certains prennent en charge le voyage, d’autres un hébergement ; certains proposent un intéressement au bénéfice global, d’autres un partage très net du bénéfice (les boissons pour la résidence, les plats pour le chef).
Bref, il y a à boire et à manger. Charge à chaque duo chef-résidence de trouver l’équilibre qui lui convient le mieux.
Plaques coup de feu et plaques tournantes
Du côté des résidences de jeunes chefs, on peut citer Chefs Club à New-York depuis 2012, Carousel à Londres dès 2014 (et qui a déjà accueilli plus de 300 chefs en résidence !) ou le pionnier en France Fulgurances (dès 2015), le Fortnum & Mason's Food and Drink Studio à Londres ou The old Pharmacy à Bruton en Angleterre. (N’attendez pas de moi que je vous donne le nom des chefs car ça change tout le temps si vous avez bien suivi !)
Pour les chefs déjà reconnus qui s’installent en résidence, en plus de leur restaurant permanent, on peut mentionner Anne-Sophie Pic pour 6 mois à Saint Maurice au resort Le Saint Géran et surtout le dynamisme de l’Australie. Elle a accueilli Heston Blumenthal pour 6 mois à Melbourne en 2015, René Redzepi pour 3 mois à Sydney et plus récemment Mauro Colagreco pour 3 semaines en mars de cette année, toujours à Sydney. On voit ici l’intérêt de la résidence pour capter une nouvelle clientèle éloignée qui viendra ensuite potentiellement dans leurs restaurants lors d’un voyage en Europe.
Ces résidences, si elles passent de tendance de fond à concept ancré dans la culture culinaire, vont aussi avoir un impact, encore peu mentionné actuellement, sur les guides de restaurant et les awards.
En effet, à l’heure actuelle, les récompenses (étoiles Michelin, notes Gault et Millau, awards fooding ou classement La Liste) sont toujours attribuées à des chefs dans des lieux stables car ce sont des récompenses annuelles. Ce nouveau rythme de résidence de quelques mois, s’il devient une norme, va aussi forcer à modifier soit le rythme des récompenses, soit leurs critères d’attribution.
La valse des chefs va sans aucun doute donner un nouveau tempo à tout le secteur !
What’s the fork !?
En ce début d’automne, souffrez-vous de Pumpkin fatigue ? (Littéralement « fatigue de la citrouille »).
A l’instar de Mariah Carrey à l’approche de Noël, la citrouille est devenue le marqueur incontournable de l’automne, notamment grâce (à cause ?) de Starbucks qui, depuis plus de 20 ans, arrose le monde de son Pumpkin Spice latte à cette période.
Un article paru dans Modern Retail – majoritairement centré sur les US pour le moment - signale en effet que les consommateurs commencent à saturer des produits saveur pumpkin et que cela pourrait profiter … aux pommes !
Je vous invite à lire l’article pour plus de détails sur ce qui pourrait être la nouvelle saveur de nos automnes.
En attendant, comme aurait dit la marionnette de Jacques Chirac « Mangez des pommes ! ».